La cristallisation des dispositions d’urbanisme organisée par l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme et ses pièges

Par Alexandra Guilluy

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L’annulation d’un refus à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou de l’opposition à une déclaration préalable ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’une autorisation tacite. En pareil cas, l’administration reste saisie de la demande et doit en principe procéder à une nouvelle instruction au regard des règles applicables à la date de la signature de la décision à intervenir. Ainsi que le soulignait le Conseil d’État dans son rapport de janvier 1992, « L’urbanisme, pour un droit plus efficace », « compte tenu des délais de la procédure contentieuse et de l’instabilité des règles locales d’urbanisme, cette hypothèse n’est pas rare et présente de graves inconvénients » susceptibles d’entraîner « la méconnaissance définitive du droit de construire » d’un pétitionnaire. La loi du 9 février 1994 portant diverses mesures en matière d’urbanisme et de construction a donc entendu répondre à cette problématique en intégrant au Code de l’urbanisme un article L. 600-2. Or, l’utilisation de ce dispositif n’est pas nécessairement aisée pour celui qui souhaitera bénéficier pleinement de la stabilisation de la règle d’urbanisme.

Les conditions d’application

L’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme dispose que « lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. »

Relevons tout d’abord que le champ d’application de cet article recouvre les refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir mais encore l’opposition à une déclaration préalable. Est également assimilée à un refus de permis de construire une décision de sursis à statuer (CAA Lyon, 27 déc. 2001, SCI La Cluiseraz c/ Commune de La Clusaz, n°98LY01450). Les certificats d’urbanisme en sont ainsi exclus.

Ces refus doivent avoir fait l’objet d’une annulation juridictionnelle. Ce dispositif ne saurait donc être appliqué à un refus ayant fait l’objet d’un retrait par l’administration (CAA Marseille, 20 déc. 2011, Massin, n°10MA00406).

Encore faut-il que cette annulation soit définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois de la notification de l’annulation au pétitionnaire.

N’est pas définitif un jugement frappé d’appel, ou un arrêt de cour faisant l’objet d’un pourvoi en cassation sur lequel il n’a pas été statué, indépendamment du fait que ce pourvoi ait finalement été déclaré non admis (CAA Lyon, 4 déc. 2012, Commune de Brindas, n°11LY01893). Par ailleurs, la non-admission du pourvoi n’étant pas notifiée à la partie adverse, l’expiration du délai de six mois ne saurait être opposée au demandeur faute de notification par la commune de cette décision (TA Lyon, 26 mai 2011, Odin, n° 0906175).

Sur la forme, la confirmation de la demande peut s’opérer par un courrier rappelant utilement le numéro d’enregistrement par l’administration de cette demande ou déclaration.

Sur le fond, une modification des dispositions d’urbanisme est exigée. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce qu’un nouveau refus suite à une confirmation de demande soit fondé sur les dispositions du RNU existant antérieurement à la date de la décision annulée.

La notion de « dispositions d’urbanisme » au sens de l’article L. 600-2 n’a été que peu explicitée par la jurisprudence. Outre le PLU ou un document en tenant lieu et le RNU, a été considérée comme telle une délibération prescrivant l’élaboration d’un PLU compte tenu du fait que son adoption peut permettre le recours au sursis à statuer (en ce sens, TA Lyon, 26 mai 2009, Consorts Bernard, n° 0700323), la réglementation thermique (Rép. min. n° 06502, JO Sénat, 5 sept. 2013, p. 2571) ou un plan de prévention des risques naturels prévisibles alors même que les servitudes d’utilité publique sont en principe exclues de cette notion (CE, avis, 12 juin 2002, Préfet de la Charente-Maritime, n° 244634).

A également été jugée l’impossibilité d’opposer un sursis à statuer suite à une confirmation de demande sur le fait que la réalisation du projet serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l’exécution du PLU intervenu postérieurement à la décision de refus annulée (CE, 16 juill. 2010, SARL Francimo, n° 338860).

Il est à noter que même en cas de transfert de compétence, l’autorité habilitée à se prononcer sur la demande à la date du refus annulé l’est également en cas de confirmation de demande, cette dernière devant être considérée comme restant pendante au sens de l’article L. 422-1 du Code de l’urbanisme (CE, 4 mars 2009, Commune de Beaumettes, n° 319974).

Les pièges

Une fois l’ensemble des conditions réunies, le pétitionnaire lésé devra encore déjouer différents obstacles afin d’espérer se voir rétabli dans ses droits.

Seul le pétitionnaire a qualité pour confirmer la demande initiale. De sorte qu’un propriétaire de terrain, qui aurait autorisé une personne à exécuter les travaux et à déposer la dite demande, ne pourrait s’y substituer malgré son intérêt évident (TA Grenoble, 1er avr. 2013, Gay, n° 10000063). Cet état du droit n’est que rarement pris en compte lors de la rédaction de promesse de vente sous condition suspensive d’obtention d’autorisation d’urbanisme.

En outre, le demandeur ne pourra prétendre à faire évoluer substantiellement son projet dans le cadre de la confirmation. Seule une demande confirmative ou regardée comme confirmative sera en principe éligible à l’application des dispositions de l’article L. 600-2 (CAA Bordeaux, 8 oct. 2013, Commune d’Hendaye, n°13BX00444).

Ajoutons encore que dans le cadre de son recours en annulation à l’encontre du refus d’autorisation, le pétitionnaire pourra utilement demander au juge de faire usage de son pouvoir d’injonction aux fins d’obliger l’administration à réinstruire sa demande dans un délai déterminé et éventuellement sous astreinte. Si une telle injonction est prononcée, celle-ci ne l’exonère pas de procéder à la confirmation de sa demande dans les formes et délais prescrits par l’article L. 600-2 sous peine d’en perdre le bénéfice (CAA Marseille, 29 janv. 2010, Kalfa, n°07MA04472).

À la différence des trois points évoqués ci-dessus que le pétitionnaire peut encore maîtriser, le dispositif de l’article L. 600-2 ne le prémunit pas de tout changement de l’état du droit mais de la seule modification des dispositions d’urbanisme.

Ainsi, la législation relative à l’aménagement commercial n’étant pas englobée par la notion de dispositions d’urbanisme, une modification des seuils et critères rendant nécessaire l’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale pour le projet illégalement refusé peut être de nature à rendre irréalisable un projet initialement viable si l’administration ne s’y était pas opposée à tort.

De plus, l’administration peut procéder à de nouvelles consultations dans le cadre de l’instruction de la confirmation de la demande et ce même en l’absence de changement dans les circonstances de droit et de fait (CAA Lyon, 30 sept. 2014, Société Un coup de vent, n°12LY24437).

C’est encore sans compter l’impact de l’annulation contentieuse d’un document d’urbanisme. Celle-ci étant rétroactive, des dispositions ayant disparu de l’ordonnancement juridique suite à une annulation en première instance peuvent être remises en vigueur suite à l’invalidation du jugement en appel. Au sens de l’article L. 600-2, il ne s’agira donc pas de dispositions intervenues postérieurement à la décision de refus puisque censées avoir toujours existé (CAA Versailles, 10 mai 2007, Aires Maia, n°05VE01564).

Ces dernières particularités conduisent à nier l’objectif même de l’article L. 600-2 qui vise à atténuer les conséquences dommageables d’un refus illégal d’autorisation.

Si la seule réinstruction de la demande est imposée à l’administration, le recours plus large aux injonctions de délivrance par le juge apparaît souhaitable dans certaines espèces.

Source :

– C. urb., art. L. 600-2