Le transfert et l’exercice de la compétence PLU à l’heure de la réforme de la carte intercommunale. Regard sur les dispositions de la loi Égalité et Citoyenneté.

Par Philippe Schmit

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Trois dates majeures de ce premier trimestre 2017 invitent à prêter une attention particulière à certains éléments du droit applicable en matière de transfert de la compétence PLU à l’intercommunalité.

Le 27 mars : date à laquelle la loi ALUR fête ses trois ans. S’il réveille, pour nombre d’observateurs, les souvenirs des vifs débats parlementaires sur le sujet de l’urbanisme intercommunal, cet anniversaire n’est pas anodin pour les communautés de communes et d’agglomération auxquelles cette loi, on le sait, a attribué d’office la compétence PLU sauf à ce que leurs communes membres manifestent le refus de ce transfert de compétence en usant de la désormais fameuse « minorité de blocage » (le transfert n’a pas lieu si au moins 25 % des communes regroupant au moins 20 % de la population délibèrent avant cette date pour le rejeter).

Le 1er janvier : date à laquelle la carte intercommunale a été profondément remaniée en application de la loi NOTRe d’août 2015. Un millier de communautés ont connu une modification de leur périmètre. La plupart ont fusionné avec une ou plusieurs de leurs voisines et ont donné naissance à 450 nouvelles communautés. La France compte désormais 1 253 (contre 2 169 au 1er janvier 2016 et plus de 2 600 en 2011) communautés de communes, d’agglomération, communautés urbaines et métropoles.

Le 27 janvier : date de promulgation de la loi Égalité et Citoyenneté.

C’est sur certaines des dispositions de cette récente loi que le présent focus se propose de revenir. Celles-ci visent à pallier, certes tardivement, les insuffisantes articulations entre ces lois ALUR et NOTRe.

Nous constaterons ainsi dans un premier temps que l’urbanisme intercommunal est, comme il était prévu, en plein essor, bien que celui-ci n’ait pas été exempt d’interrogations concernant le transfert et l’exercice de la compétence PLU (2). Enfin, nous verrons comment la loi Égalité et Citoyenneté aplanit les difficultés de réalisation d’un PLUi sur des territoires étendus, mais pas assez pour être qualifiés d’« XXL » (3), en offrant notamment la possibilité d’étendre le PLU sur l’ensemble du territoire intercommunal (4).

1. L’urbanisme intercommunal avant la refonte de la carte intercommunale

En 2016, la France comptait plus de 550 EPCI compétents en matière de PLUi. Parmi eux bien sûr, ceux qui le sont de par la loi : les métropoles, communautés urbaines et établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris. Mais parmi eux surtout, plus d’un quart des communautés de communes et d’agglomération. Celles-ci ont reçu cette compétence de leur commune par « transfert spontané ». Beaucoup de ces transferts ont d’ailleurs été opérés à la fin de l’année 2015 pour permettre aux territoires de bénéficier des dispositions de l’article 13 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. On se souvient que celles-ci assouplissent les délais de caducité des POS et de compatibilité ou prise en compte des normes supérieures sous réserve qu’ait été prescrite l’élaboration d’un PLUi avant décembre 2015. On notera d’ailleurs qu’avec la loi Égalité et Citoyenneté, ces avantages ont été codifiés aux articles L. 174-5 et L. 175-1 du Code de l’urbanisme après quelques aménagements (voir encadré infra)

Ainsi, en 2016, plus de 11 000 communes, aussi bien urbaines que rurales, vivent à l’heure de l’urbanisme intercommunal. Il en est attendu une meilleure adéquation entre l’échelle de la planification et celle du fonctionnement des territoires, un gain dans l’articulation et la cohérence des différentes politiques sectorielles…

Ces chiffres en attestent, l’urbanisme intercommunal est définitivement sorti de la confidentialité. En 2010 avec la loi ENE, le Code de l’urbanisme en a fait un principe général (plaçant le PLU municipal comme une exception) ; en 2014 avec la loi ALUR, le Code général des collectivités territoriales en a fait un élément de compétence obligatoire.

2. La compétence PLU en cas de fusion

Près de 200 fusions de communautés effectives au 1er janvier 2017 ont concerné en leur sein au moins une communauté compétente en matière de PLU.

Du point de vue du droit, bien que l’interprétation ait pu faire polémique y compris au sein même de l’État, l’affaire est entendue : la nouvelle entité issue de fusion est de facto compétente en la matière.

En effet, en application combinée de la loi ALUR, qui a inscrit la compétence « plan local d’urbanisme, document en tenant lieu et carte communale » dans le bloc des compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération et du Code général des collectivités territoriales (art. L. 5211-41-3, III), qui précise qu’en cas de fusion les compétences obligatoires existant avant la fusion sont exercées par le nouvel établissement sur l’ensemble de son périmètre, un établissement public de coopération intercommunal qui résulte de la fusion de plusieurs EPCI dont l’un au moins détenant cette compétence (fusion dite « mixte »), exerce cette compétence au jour de sa création, sur l’ensemble de son territoire.

D’un point de vue plus politique, nombre d’élus concernés par ces fusions dites « mixtes » n’ont pas manqué de s’offusquer de cette interprétation qui prive leurs communes de leur droit à renoncer au transfert tel que le prévoyait la loi ALUR. Cette « contagion de la compétence » au nouvel ensemble n’a pas manqué de susciter des tensions au travers desquelles certains préfets ont vite vu un risque de rejet des fusions proposées.

L’urbanisme intercommunal en plein déploiement devait-il être sacrifié sur l’hôtel de la rationalisation de la carte intercommunale ?

D’un côté, la compétence PLU déjà détenue par la communauté concernée par la fusion ne pouvait être redistribuée aux communes : de nombreuses démarches de PLUi auraient été stoppées ; des PLUi approuvés et exécutoires n’auraient plus eu quant à eux de structures porteuses, et il aurait alors fallu recourir à la création de syndicats pour gérer cette compétence, ce qui aurait été contraire sur le principe aux objectifs de rationalisation de la loi NOTRe.

De l’autre côté, le Gouvernement souhaitait que s’opèrent sans réticence les fusions telles que prévues par les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).

Tiraillé entre ces deux objectifs importants, le Gouvernement s’est retrouvé dans une position délicate. La loi Égalité et Citoyenneté devait rapidement proposer les assouplissements nécessaires. Au début de son examen parlementaire, elle comportait dans cet objectif un article d’habilitation à agir par ordonnance (le Gouvernement voyait d’un mauvais œil l’ouverture d’un nouveau débat au Parlement sur ce sujet sensible). Bien que laconique, l’article était explicite : les communes encore aujourd’hui compétentes en matière d’urbanisme devaient pouvoir bénéficier du droit à renoncer au transfert tel que la loi ALUR l’a instauré. La « minorité de blocage » devait pouvoir s’exprimer sur les parties de la nouvelle communauté non couvertes au jour de la fusion par la compétence PLUi. Il prévoyait que jusqu’en 2022, une communauté issue d’une telle  fusion aurait pu détenir une compétence « à trous » ou « à la carte » si les conseils municipaux s’étaient opposés au transfert. Elle n’aurait été compétente en matière de PLU que sur les territoires des anciennes communautés qui l’étaient avant la fusion. L’émergence de cette possible compétence « partielle » ou « territorialisée », inédite pour les communautés, a très vite soulevé perplexité et interrogations tant du point de vue du droit que de la gouvernance politique.

Lors de sa dernière lecture à l’Assemblée nationale, et contre l’avis du Gouvernement, les députés ont rejeté ce principe de compétence partielle et ont opté pour un assouplissement non pas dans le transfert de la compétence à la communauté issue de fusion mais dans l’exercice de cette compétence. L’article L. 153-3 du Code de l’urbanisme permet désormais à une communauté de communes ou d’agglomération issue d’une telle fusion de pouvoir prescrire la révision générale d’un PLU (ou d’un PLUi) existant sans être obligée de ce fait d’engager l’élaboration d’un PLUi couvrant l’intégralité de son périmètre. Cette mesure vise à permettre une montée en charge plus progressive de l’urbanisme au sein de la communauté. La maîtrise d’ouvrage est bien communautaire mais, pendant les 5 ans à compter de sa création, les documents peuvent être révisés y compris à l’échelle municipale.

3. PLUi et larges communautés

La réforme de la carte intercommunale a porté à 28 le nombre moyen de communes membres par communauté. Bien que marginaux en nombre, c’est pourtant autour des grands ensembles, souvent nommés « communautés XXL » que s’est portée l’attention. Quinze communautés comptent désormais plus de 100 communes. C’est pour ces dernières que la loi Égalité et Citoyenneté introduit un chapitre spécifique dans le titre du Code de l’urbanisme consacré aux plans locaux d’urbanisme, intitulé «  Dispositions particulières aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille ». Ce chapitre crée un régime dérogatoire au droit commun permettant à ces communautés, de pouvoir réaliser, de manière échelonnée dans le temps ou concomitamment, plusieurs PLU infra communautaires assurant la couverture de la totalité de leur territoire. Ces PLU infra communautaires devront regrouper plusieurs communes ou une commune nouvelle.

Cette mesure, codifiée aux articles L. 154-1 à L. 154-4 du Code de l’urbanisme, n’éteint pas pour autant la perplexité de nombreux acteurs ou observateurs devant les difficultés que soulève la réalisation d’un PLU sur de vastes territoires, notamment ceux qui n’atteignent pas ce seuil (seuil de 100 communes que l’on peut d’ailleurs juger bien rigide). Gageons que les exemples d’élaborations de PLUi, achevées ou en bonne voie, sur les métropoles de Lyon (59 communes), de Lille (85), de Rouen (73) ou dans de larges communautés rurales servent à l’identification de bonnes pratiques facilement diffusables au sein des larges communautés. La France compte désormais une cinquantaine de communautés de plus de 50 communes.

4. Procédures en cours de PLUi et modification de périmètre

La loi Égalité et Citoyenneté vient par ailleurs réaffirmer qu’une nouvelle communauté peut étendre à la totalité de son territoire une procédure d’élaboration ou de révision de son PLUi ou fusionner des procédures de PLUI engagées antérieurement. Cette possibilité est ouverte dès lors que la ou les procédures de PLUi en cours n’ont pas encore atteint la phase de l’arrêt.

L’article L .153-9 du Code de l’urbanisme précise désormais les processus à mettre en œuvre pour concrétiser cette fusion ou cette extension de PLUi : délibérations pour indiquer les modifications apportées aux objectifs définis dans la ou les délibérations initiales et exposer les modalités de concertation complémentaires prévues, notifier cette délibération aux personnes publiques associées, débattre du PADD de ce nouveau projet de PLUi au sein du nouveau conseil communautaire avant l’arrêt du projet, quand bien même un tel débat se serait déjà tenu dans le périmètre du ou des PLUI initiaux…

Il s’agit ainsi de garantir la transparence et la cohérence du projet en cours d’élaboration, malgré le contexte de réorganisation territoriale. Même si la rédaction du II de l’article L. 153-9 ne le précise pas, les études préalables relatives au diagnostic et à l’évaluation environnementale devront nécessairement être élaborées ou complétées de manière à couvrir l’ensemble du territoire du nouvel EPCI et respecter ainsi les articles L. 151-4, L. 104-4 et L. 104-5 du Code de l’urbanisme.

Le degré d’avancement du ou des projets de PLUi, la capacité de la collectivité à se fédérer rapidement autour d’un projet de territoire commun, les possibilités de renégociation du ou des marchés d’études en cours, l’urgence d’approuver un document de planification sur la partie du territoire où un PLUI en cours sont autant de critères qui permettront à la communauté de choisir la voie qui lui conviendra le mieux : fusion de procédures, extension de procédures ou initialisation d’une nouvelle procédure unique sur tout le territoire.

L'alinéa 183 de l'article 117 vient préciser que ces possibilités d’extension, de fusion de procédures sont ouvertes à partir du 1er janvier 2017 (la loi n’étant pas promulguée à cette date). Il peut être considéré également que ces dispositions valent pour des situations identiques antérieures au 1er janvier 2017.

Des reports de délais intégrés dans le Code de l’urbanisme

Le nouvel article L. 175-1 rappelle que le bénéfice des différents reports est conditionné à une approbation du plan local d’urbanisme intercommunal le 31 décembre 2019 au plus tard. Il ne fait plus apparaître l’obligation d’un débat sur le PADD avant le 27 mars 2017.

L’article L. 174-5, dans sa nouvelle rédaction, ouvre ces reports à tous les EPCI ayant engagé une procédure d’élaboration avant le 31 décembre 2015, y compris donc à ceux ayant prescrit un PLUi avant le 24 mars 2014.

Par ailleurs, le dernier alinéa du II de l’article L. 153-9 prévoit explicitement que le bénéfice de ces différents reports demeure acquis aux communes de l’EPCI ayant prescrit un PLUi avant le 31 décembre 2015, quand bien même ces procédures seraient fusionnées ou étendues.

 

Sources :