Justification des décisions de préemption prises au titre de la protection des espaces naturels sensibles

Par Arnaud Barthélémy

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Si les décisions de préemption prises en vertu de l’article L. 142-3 du Code de l’urbanisme doivent être justifiées par la protection des espaces naturels sensibles, ainsi que par l’ouverture ultérieure de ces espaces au public, le juge administratif se révèle toutefois assez clément lorsqu’il s’agit d’apprécier la teneur de ces justifications. Tel est du moins ce que confirme cette décision rendue le 8 avril 2015 par le Conseil d’État et publiée au Recueil Lebon.

En l’espèce, la commune de Saint-Aignan-Grandlieu avait exercé son droit de préemption sur deux parcelles de terrain situées au sein de la zone de préemption créée par le conseil général de Loire-Atlantique au titre des espaces naturels sensibles. Les parcelles ayant été vendues, la commune assigna alors l’acquéreur afin d’obtenir l’annulation de la vente. Saisi de la question de la légalité de la décision de préemption des parcelles litigieuses, le tribunal administratif de Nantes déclara celle-ci illégale et l’annula. La commune de Saint-Aignan-Grandlieu interjeta alors appel devant la haute juridiction administrative, cela conformément aux dispositions de l’article R. 321-1 du Code de justice administrative.

Dans la décision commentée, le Conseil d’État annule le jugement rendu par la juridiction administrative de première instance en ce qu’elle a jugé que la décision de préemption attaquée ne respectait pas les conditions imposées par le Code de l’urbanisme au titre de la protection des espaces naturels sensibles. Effectivement, après avoir rappelé que la combinaison des articles L. 142-1, L. 142-3 et L. 142-10 du Code de l’urbanisme impose qu’une telle décision soit justifiée par la protection des espaces naturels sensibles, ainsi que par l’ouverture ultérieure de ces espaces au public, les juges du Palais-Royal estiment que l’autorité administrative titulaire du droit de préemption n’avait pas à justifier de la réalité d’un projet d’aménagement à la date à laquelle elle exerçait ce droit. Ainsi, la seule existence d’un projet d’aménagement, même encore en phase de préparation, ne fait pas obstacle à ce que la décision de préemption attaquée puisse être regardée comme justifiée par l’ouverture ultérieure au public des parcelles préemptées.

Par une décision Commune des Saintes-Maries-de-la-Mer du 30 avril 2014, la haute juridiction administrative avait déjà mis à mal l’obligation de motivation de ces décisions de préemption en estimant que l’autorité administrative n’était pas tenue de préciser les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu’elle envisage de préempter (CE, 30 avr. 2014,Commune des Saintes-Maries-de-la-Mer, n° 360794). En dépassant le cadre du régime de la loi n° 77-587 du 11 juillet 1979, cette décision illustre donc le libéralisme dont fait preuve le Conseil d’État en ce qui concerne les préemptions au titre des espaces naturels sensibles.

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