Notre-Dame-des-Landes : un nouvel épisode juridique s'engage avec la demande de rétrocession des biens par d'anciens propriétaires

Par Timothée Diot

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La bataille juridique entre les opposants et les porteurs du projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est loin d'être achevée. En effet, le 17 mars 2017, des propriétaires expropriés ont saisi la justice pour obtenir la rétrocession de leurs biens. Cette actualité pose plus largement la question de l'articulation entre le droit de rétrocession, prévu par le Code de l'expropriation, et le déroulement des projets d'aménagement soumis à de nombreux aléas.

Ce projet a été déclaré d'utilité publique par le décret du 9 février 2008 et une ordonnance d'expropriation a été prononcée le 12 janvier 2012. Depuis, le projet tarde à se concrétiser : aucun ouvrage lié à l'aéroport n'a été réalisé, aucun chantier substantiel n'a été commencé, aucun permis de construire n'a été délivré… C'est à partir de ce constat que le 23 janvier 2017, une trentaine d'anciens propriétaires ont demandé à l’État de rétrocéder les biens expropriés qui représentent près de 140 hectares de terrains. Devant l'absence de réponse de l’État, les anciens propriétaires ont donc saisi, ce mois-ci, le tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Nazaire pour qu'il ordonne à l’État la rétrocession de leurs biens.

Le droit de rétrocession provient de la nécessité de préserver le droit de propriété issu de l'article 17 de la déclaration de 1789, de garantir la poursuite des objectifs définis dans la déclaration d’utilité publique (DUP) par l'expropriant et de prévenir le détournement de la procédure d'expropriation vers un outil de politique foncière.

Il est encadré par les articles L. 421-1 et suivants du Code de l'expropriation récemment modifié et recodifié par l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014. Ces articles précisent les conditions dans lesquelles le droit de rétrocession peut s'exercer.

Toute personne expropriée, ou ses ayants droit universels, peut demander à l'autorité expropriante de rétrocéder les biens dès lors que, passé cinq ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, ce bien n'a pas reçu la destination prévue par la DUP dont découle l'expropriation. La décision administrative de rejet de cette demande par l'expropriant permet à l'exproprié de saisir le TGI après assignation des parties intéressées. Le Tribunal est compétent pour traiter le litige et ordonner, le cas échéant, la rétrocession des biens par l'autorité expropriante.

Le législateur a prévu dans l'article L. 421-1 du Code de l'expropriation des limites à l'exercice de ce droit. Tout d'abord, la demande doit être formulée dans un délai de trente ans à partir de la date de l'ordonnance d'expropriation. Ensuite, le droit de rétrocession n'est pas utilisable si l'expropriant sollicite une nouvelle DUP. Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé (Déc. n° 2012-292 QPC, 15 fév. 2013) que le droit de rétrocession peut être invoqué malgré la réquisition d'une nouvelle DUP si celle-ci a pour seul but de faire obstacle à l'exercice du droit de rétrocession.

Ce dossier a connu beaucoup d'événements exceptionnels qui ont retardé la mise en œuvre des travaux de réalisation de l'aéroport et laissent incertain l'issue du jugement. Il n'est pas rare qu'un projet d'aménagement connaisse des retards importants qui ouvrent alors la possibilité aux expropriés d'exercer leurs droits de rétrocession. Cette actualité nous rappelle que l'expropriation est une procédure à utiliser avec précaution et discernement.

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