Quelle distinction entre permis de construire et autorisation de travaux au titre des établissements recevant du public ?

Par Simon Bienaimé

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Saisi en cassation d’un recours contre un projet immobilier résidentiel auquel on reproche de ne pas respecter les normes d’accessibilités applicables aux bâtiments neufs, le Conseil d’État se voit donner l’occasion de préciser la distinction entre permis de construire et autorisation de travaux au titre des établissements recevant du public (ERP).

(CE, 9 juill. 2018, no411206)

Après avoir initialement refusé le permis au motif d’un défaut d’accès au terrain, la Mairie de Nice retire sa décision et délivre un permis de construire pour un ensemble immobilier résidentiel comprenant 73 logements dont 18 logements sociaux ainsi qu'une piscine, pour une surface de plancher de 4 210 mètres carrés. Des riverains se portent à l’encontre du projet pour excès de pouvoir, requête initiale rejetée par le tribunal administratif de Nice se prononçant en premier et dernier ressort en zone tendue. Ils se pourvoient en cassation, estimant, entre autres, que le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de considérer que le permis de construire devait respecter strictement les normes d’accessibilité des bâtiments neufs.

Le Conseil d’État balaie les deux premiers jeux de moyens portant sur la desserte du terrain, rappelant à cette occasion que le juge du fond est souverain pour apprécier la valeur des moyens qui lui sont produits dans la limite de la dénaturation des pièces et des faits. Le raisonnement du tribunal administratif reposant sur des éléments clairs et incontestables, ces moyens sont rejetés.

Plus intéressant, les requérants soulèvent que le projet autorisé méconnait les dispositions portant sur l’accessibilité des bâtiments des articles L. 111-7 et suivants et L. 111-8 du Code de la construction et de l’habitation. Les premiers définissent des « règles générales d'accessibilité applicables respectivement aux bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux, aux bâtiments ou parties de bâtiments d'habitation existants et aux établissements recevant du public, situés dans un cadre bâti existant », et renvoient à des normes techniques fixées par décrets.

D’autre part, l’article L. 111-8 détermine le régime déclaratif applicable uniquement à la création, l’aménagement ou la modification des établissements recevant du public (ERP), seule catégorie de projet pour laquelle l’administration effectue un contrôle a priori. Le contrôle de la conformité des autres catégories de projets est effectué par des bureaux de contrôles indépendants.

Ce faisant, le Conseil d’État relève « qu'à l'exception des travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public, qui sont soumis au régime d'autorisation préalable prévu par l'article L. 111-8 du Code de la construction et de l'habitation, les travaux prévus aux articles L. 111-7 et suivants du même code ne font pas l'objet d'une autorisation préalable, notamment à l'occasion de la délivrance du permis de construire ». Ainsi, il revient aux seuls travaux soumis à autorisation spécifique de faire l’objet d’un contrôle du respect des règles d’accessibilité.

Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 111-7 et R. 111-18 du Code de la construction et de l’habitation est, en principe, sans incidence sur la légalité du permis de construire. En l’absence d’établissement recevant du public, le permis de construire est autonome et n’a pas à faire la démonstration du respect des normes d’accessibilité.

Par cet arrêt, mentionné aux tables du Lebon, le Conseil d’État respecte l’esprit de la loi, qui ne souhaite pas faire peser sur les collectivités compétentes en matière d’urbanisme la vérification de normes de conception imposées par la loi.