Depuis la loi CAP, un lotissement situé dans le périmètre de protection d’un monument historique est soumis à l’obtention d’un permis d’aménager. Quelles sont les pièces à fournir ?

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La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « loi CAP », complétée notamment par le décret n° 2017-456 du 29 mars 2017, procède à une refonte des régimes de protection issus du Code du patrimoine.

Ces réformes ne sont pas sans impacter le droit du lotissement, au-delà de la signature aujourd’hui exigée des permis d’aménager de plus de 2 500 m² par un architecte depuis le 1er mai 2017 en application du décret du 27 février 2017. Tel est le cas des lotissements sans voies et réseaux situé aux abords d’un monument historique.

La rédaction de l’article R. 421-19 du Code de l’urbanisme est en effet modifiée comme suit :

« Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : a) Les lotissements : - qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement. Les équipements pris en compte sont les équipements dont la réalisation est à la charge du lotisseur ; - ou qui sont situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement ; »

Les dispositions de l’article L. 621-30 du Code du patrimoine, telles qu’issues de l’article 75 de la loi CAP, précisent à ce sujet :

« Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. […]

En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. »

Dans ce périmètre – délimité par l’autorité administrative, ou à défaut dans le rayon de 500 mètres autour du monument -, les constructions ou aménagements doivent faire l’objet de l’accord de l’ABF (C. patr., art. L. 621-31) – le cas échéant, d’un avis conforme sur les autorisations d’urbanisme (C. urb., art. R.421-5).

Un lotissement situé aux abords d’un monument historique exigera donc d’une part, l’obtention d’un permis d’aménager, indépendamment de la création de voies, espaces et équipements communs, et d’autre part, l’avis en principe conforme de l’ABF.

Les conséquences d’une telle réforme sont multiples et on insistera ici sur quelques-unes d’entre elles.

Premièrement, d’un point de vue formel et procédural, l’extension du champ d’application du permis d’aménager emporte, outre un délai d’instruction plus long (3 mois), la nécessité de produire au dossier de demande l’intégralité des pièces exigées par les articles R. 442-3 et suivants du Code de l’urbanisme – sauf à risquer que le dossier soit jugé incomplet ou irrégulier.

Le formulaire CERFA 13409*06 déterminera en particulier le nombre de lots et la surface de plancher maximale autorisée et sera accompagné du plan de situation et de l’état initial (PA 1 et 3).

Surtout, le projet architectural, paysager et environnemental, conçu et signé le cas échéant par un architecte si son emprise est supérieure à 2 500 m², devra également être versé au dossier et accompagné notamment d’une notice (PA2) précisant la composition et l’organisation du projet, outre les vues, coupes et photographies (PA5 à 7). Il conviendra d’y joindre des hypothèses d’implantation des bâtiments (PA9).

Certaines des pièces obligatoires du permis d’aménager, dans l’attente d’un toilettage rédactionnel du code, devront par sécurité être formellement identifiées dans le dossier de demande quitte à ce que leur contenu soit allégé en raison de l’absence de voies, espaces et équipements communs, voire que soit indiquée la mention « sans objet » : ainsi, du plan de composition (PA4), des plans et programmes des travaux d’aménagement (PA8), du mode de gestion des voies et espaces communs (PA12) ou encore de l’indication des matériaux utilisés et des modalités d’exécution des travaux (C. urb., art R. 441-8).

Enfin, les pièces facultatives sans objet pourront naturellement être ignorées – comme l’attestation de la garantie d’achèvement (PA11) ou le règlement (PA10).

Deuxièmement, le contrôle de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) pourrait conduire le pétitionnaire à devoir renforcer le contenu de certaines de ses pièces, de sorte à garantir que les constructions à venir n’affecteront pas l’aspect du monument protégé. Le règlement, écrit ou graphique, le cahier des charges comme la pratique des cahiers des prescriptions architecturales, urbanistiques et environnementales pourraient alors jouer un rôle important y compris dans ces « petits » lotissements à enjeux au plan patrimonial.

Ces pièces peuvent également être vues comme étant de nature à réduire la marge d’appréciation de l’ABF au stade de l’instruction du permis de construire, et donc à sécuriser les acquéreurs de lots.

En réponse à des exigences trop importantes de l’administration en charge du patrimoine, les pétitionnaires et les maires pourraient :

  • soit considérer, s’agissant de divisions foncières sans travaux et comme le jugent aujourd’hui certains tribunaux administratifs, que l’avis de l’ABF n’est en réalité non pas conforme mais simple, au risque d’irriter l’ABF qui aura à émettre un avis conforme sur les permis de construire à intervenir ;
  • soit préférer d’autres outils de division foncière en propriété ou en jouissance non constitutifs de lotissement : division primaire, copropriété horizontale, associations foncières urbaines, etc.

Sources :