Un administré a déposé une déclaration préalable pour réaliser des ouvertures et modifier la façade d’un bâtiment qu’il occupe depuis quinze ans. Avant cela, celui-ci était à destination de locaux de stockage et son aménagement en habitation n’a donné lieu à aucune demande d’autorisation administrative. Que doivent faire les services instructeurs ?

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La question a trait au régime des travaux portant sur une construction existante illégale, lequel est différent du régime des travaux portant sur une construction régulièrement édifiée mais devenue, par la suite, non conforme aux dispositions d’urbanisme (CE, 27 mai 1988, Sekler, n° 79530).

Selon la jurisprudence du Conseil d’État :

  • les travaux en question doivent être l’occasion de régulariser ce qui, à l’époque, a été fait illégalement (CE, 9 juill. 1989, Thalamy, n° 51172), et ce, alors même qu’ils porteraient sur une partie régulière de la construction existante (CE, 13 déc. 2013, n° 349081) (par exemple : travaux en façade sur rue, alors qu’une extension de la maison a été illégalement faite à l’arrière, côté jardin) ;
  • si la régularisation n’est pas possible, alors les travaux ne peuvent pas être entrepris. Par exception, le maire « a toutefois la faculté, dans l'hypothèse d'une construction ancienne, à l'égard de laquelle aucune action pénale ou civile n'est plus possible, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d'autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à sa préservation et au respect des normes, alors même que son édification ne pourrait plus être régularisée au regard des règles d'urbanisme applicables » (CE, 3 mai 2011, Ely, n° 320545) ;
  • un sort particulier était réservé aux changements de destination « sauvages », le juge étant plus ou moins sévère qu’ils soient anciens, ou non (CE, 12 janvier 2007, Fernandez, n° 274362 ; 7 juillet 2008, Prouté, n° 293632 ; 27 juillet 2009, SCI La Paix, n° 305920). Mais le Conseil d’État vient de revenir sur cette jurisprudence et les changements de destination illégaux doivent désormais, comme le reste, être régularisés à l’occasion de travaux ultérieurs (CE, 16 mars 2015, De La Marque, n° 369553).

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la loi du 13 juillet 2006 a instauré une prescription administrative, codifiée à l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme aux termes duquel : « Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ». Cette prescription ne trouve toutefois pas à s’appliquer lorsque : (i) la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à de graves risques ; (ii) une action en démolition a été engagée devant le juge judiciaire ; (iii) la construction est située dans un site classé ou dans un parc naturel ; (iv) la construction est située sur le domaine public ; (v) la construction a été réalisée sans permis de construire [les changements de destination intervenus entre 1977 et 2007 relevaient du champ d’application du permis de construire], et (vi) la construction se trouve dans le périmètre d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

En résumé et selon l’arrêt du 16 mars 2015, à publier au Recueil Lebon :

« Considérant que, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu'il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier d'après les règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu'elle doit tenir compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 111-12 du Code de l'urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l'occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ; que, dans cette dernière hypothèse, si l'ensemble des éléments de la construction mentionnés au point 2 ne peuvent être autorisés au regard des règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision, l'autorité administrative a toutefois la faculté, lorsque les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l'objet d'aucune action pénale ou civile, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d'autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes ; »

Et pour répondre à la question posée, l’administré est tenu de déposer une demande de permis de construire, qui portera (i) sur le changement de destination illégalement intervenu il y a 15 ans et non-couvert par la prescription décennale puisqu’il aurait dû faire l’objet d’un permis, et (ii) sur les travaux de modification de la façade du bâtiment, conformément à l’article R. 421-14, c) du Code de l’urbanisme.

Sources :