Deux ordonnances en voie de ratification pour modifier le dialogue environnemental

Par Timothée Diot

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Les ordonnances du 3 août 2016 relatives à l’évaluation environnementale portent sur les impacts environnementaux des projets urbains ou d'infrastructure et s'inscrivent dans un contexte de contestation des grands projets. C'est en effet après la multiplication des réactions contre des grands projets que la volonté de refonder le dialogue environnemental a été affirmée. Rappel de la procédure et des principales mesures de chacune des ordonnances.

C'est suite à la tragédie du barrage de Sivens que François Hollande a lancé, en novembre 2015, la réforme du dialogue environnemental. Les objectifs étaient d'améliorer l'association des habitants à l'élaboration des projets et à la prise de décision des maîtres d'ouvrage, mais aussi de réformer l'évaluation environnementale afin de renforcer la protection de l'environnement tout en clarifiant les règles pour les porteurs de projet.

Après un long travail de concertation, deux ordonnances ont été prises par le président de la République le 3 août 2016 suite à l'habilitation contenue dans la loi Macron du 6 août 2015. Il s'agit de l'ordonnance n° 2016‑1058 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes qui a fait l'objet du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 et l'ordonnance n° 2016‑1060 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement qui a fait l'objet du décret n° 2017-626 du 27 avril 2017.

Le gouvernement a présenté un projet de loi de ratification des ordonnances au parlement le 29 juin 2017 et décidé d'engager la procédure accélérée. La première lecture a eu lieu à l'Assemblée nationale qui l'a adopté après amendements le 18 juillet 2017. Le texte a ensuite été transmis au Sénat qui l'a à son tour adopté le 10 octobre 2017 dans une version à nouveau modifiée. Conformément à la procédure accélérée, la prochaine étape sera la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de rédiger un texte convenant aux deux chambres, faute de quoi l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

L'ordonnance n° 2016-1058 portant sur l'évaluation environnementale a pour principe de limiter le nombre d'évaluations environnementales à réaliser mais d'en améliorer les qualités et l'association du public. Au-delà des objectifs de simplification, de clarification et d'articulation, il s'agissait d'assurer la conformité des règles de l'évaluation environnementale au droit de l’Union européenne, en transposant la directive 2014/52/UE. La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages  complète l'ordonnance en imposant une plus grande précision dans le traitement de la séquence « éviter, réduire, compenser ».

L'ordonnance comprend des trois familles de mesures. La première acte le passage à une logique de projets, tout en diminuant le champ de ceux soumis systématiquement à l'évaluation environnementale et en augmentant le nombre de ceux inclus dans la procédure de cas par cas.

La seconde concerne la création de nouvelles procédures. Les procédures dites « communes »  portent à la fois sur un plan ou programme et un projet en découlant. Les procédures dites « coordonnées » concernent un plan ou programme qui  pourrait donner lieu à un ou plusieurs projets à l'avenir.

La dernière catégorie de mesures vise à étoffer le contenu des études d'impact pour mieux prendre en compte la vulnérabilité du projet au changement climatique, la santé, la biodiversité et les incidences visuelles des projets.

 

L'ordonnance n° 2016-1060 et son décret portent l'ambition de démocratiser le dialogue environnemental en améliorant l’information et la participation du public. À nouveau, trois catégories de mesures peuvent être distinguées.

Tout d'abord, celles qui redéfinissent de façon précise les objectifs visés par l'association du public et détaillent les droits de ce dernier dans le cadre de sa participation. Il a le droit d'accéder à des informations pertinentes, de disposer de délais raisonnables pour formuler son avis, et d'être informé de la prise en compte de celui-ci.

Ensuite, les procédures de la concertation préalable sont renforcées. En effet, le champ du débat a été élargi pour intégrer les plans et programmes et facultativement les réformes portant sur l'aménagement du territoire et l'environnement. La commission nationale du débat public (CNDP) se voit confier de nouvelles compétences en termes de conciliation et d'investigation. Elle devra aussi mettre en place un système de garants de la concertation qui auront pour mission de s'assurer du bon déroulement de la concertation.

La mesure phare de cette catégorie est la création d'un droit d'initiative qui prévoit qu'un certain nombre d'élus, d'associations ou de citoyens peuvent demander au préfet la mise en place d'une concertation préalable. Ce droit est lié à la création d'une déclaration d'intention à laquelle sont soumis les projets n'entrant pas dans le champ de la concertation préalable, mais qui sont d'un montant supérieur au seuil fixé par le décret.

Enfin, l'ordonnance modernise la procédure d'enquête publique allant vers la dématérialisation, tout en tenant compte des fractures numériques existantes. La sécurité juridique de ces procédures est renforcée, leur durée réduite et leurs règles simplifiées.

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