La portée des avis des Architectes des Bâtiments de France modifiée par une proposition de loi

Par Agathe Gentili

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La résolution du conflit latent qui anime les élus locaux et les Architectes des Bâtiments de France ne semble pas proche, puisqu’une proposition de loi enregistrée au Sénat le 7 avril 2015, relance le débat entre protection du patrimoine et utilité ou nécessité de certains travaux d’amélioration d’un bâtiment. En effet, s’il est reconnu que le patrimoine est une des richesses françaises, sa protection de la part des Architectes des Bâtiments de France est qualifiée par la proposition de « tatillonne » concernant certains travaux.

Si les compétences des Architectes des Bâtiments de France (ABF) sont variées, leur mission la plus connue consiste à rendre un avis sur les autorisations d’urbanisme de tout projet d’entretien ou de consolidation d’un bâtiment dans la visibilité d’un monument historique protégé ou dans un espace sauvegardé. Cette compétence diffère de celle des Architectes en chef des Monuments historiques, qui se prononcent sur les travaux de restauration définitifs d’un monument historique.

La proposition de loi tend à modifier la portée des avis des ABF pour les travaux dont l’impact « sur l’aspect extérieur des bâtiments » est limité. L’exposé des motifs du texte cite comme exemple, les portes, les volets ou encore l’isolation thermique. Dans ces cas précis, l’avis de l’ABF ne serait que consultatif, et non plus conforme, et ne lierait donc pas la collectivité dans sa prise de décision. Il est prévu que la liste des travaux soit fixée par un décret en Conseil d’État.

La notion de « réalisation [qui] n’affecte pas de manière substantielle l’aspect du bâtiment » devra aussi être explicitée davantage par la jurisprudence. Les modifications substantielles sont un concept utilisé fréquemment par le droit et dans des matières variées (environnement, droit du travail, contrats publics, etc.), mais dont le sens est difficile à cerner car il diffère selon le domaine. Par exemple, en matière d’installations classées, une modification est considérée comme substantielle lorsqu’elle atteint certains seuils quantitatifs (C. env., art. R. 512-33).

En outre, la proposition de loi encadre le contrôle des ABF et prévoit notamment qu’un permis tacite ne peut pas naître d’une absence de réponse de la part de l’ABF. Ainsi, l’accord tacite qui est la règle pour l’instant serait remis en cause.

Malgré cette dernière mesure de protection, la proposition semble difficile à adopter en l’état. La mission des ABF se trouverait grandement limitée et même subordonnée aux élus, alors que c’est justement l’autonomie de ces architectes qui permet d’assurer une protection constante du patrimoine. Les travaux des commissions du Sénat n’ayant pas encore eu lieu, il sera intéressant de suivre les discussions des séances publiques et l’évolution de la proposition devant les assemblées.

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