Quelle utilité publique pour le « CDG Express » ?

Par Simon Bienaimé

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Par un arrêt, publié au Lebon, du 22 octobre 2018, le Conseil d’État précise les critères d’appréciation du contenu d’un dossier d’enquête publique relatif à un projet dont l’utilité publique doit être réexaminée. 

(CE, 22 oct. 2018, no 411086 et a.)

Le projet de liaison ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle, dit « CDG Express » a été déclaré d’utilité publique en 2008, DUP prorogée en 2013 pour cinq ans. Or le projet a connu des évolutions importantes, notamment dans son coût réévalué en 2014 à 1 410 millions d’euros – pratiquement le double des prévisions initiales –, ses modalités de financement ou encore l’identité de la société concessionnaire.

Interrogée à ce sujet, et en cohérence avec des décisions antérieures qui interdisaient d’apporter des « modifications sensibles » à un projet d’utilité publique sans le réévaluer (CE, 8 nov. 2000, no 176394– CE, 3 juill. 2002, no 245236), la section des travaux publics du Conseil d’État avait estimé en 2014 que la poursuite des expropriations nécessitait une nouvelle DUP.

Une nouvelle enquête est donc conduite en 2016 sur l’évolution du projet, à nouveau déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral du 31 mars 2017, objet des requêtes de la commune de Mitry-Mory et d’une association sur lesquelles se prononce ici la Haute juridiction. 

Sur la forme, les requérants pointent du doigt une série d’inexactitudes, d’omissions et d’insuffisances des documents d’enquête publique, surtout, ils arguent qu’au vu de l’importance des modifications, le projet doit être regardé comme nouveau et l’ensemble de ces aspects versés au réexamen de son utilité publique. 

En effet, les promoteurs du projet avaient tout intérêt à soumettre à l’enquête le stricte nécessaire afin que des éléments déjà débattus ne fassent pas l’objet d’un nouvel examen et ne puissent être entaché d’un avis négatif du commissaire enquêteur. La Haute Cour doit alors juger ce point, avec pour enjeu la détermination des dispositions applicables au contenu du dossier d’enquête publique. Une situation malaisée que relève le rapporteur public, écrivant que « la matérialité du projet de train est quasiment inchangée mais son coût a doublé et le montage juridique est bouleversé ».

Suivant les recommandations du rapporteur public, l’arrêt retient que le « projet déclaré d'utilité publique fait l'objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu'elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau » et limite la complétude du dossier d’enquête à deux points :  l’actualisation des « éléments du dossier […] pour prendre en compte les modifications substantielles apportées au projet et les évolutions du contexte si ces dernières sont significatives » et la production des « éléments du dossier soumis à enquête publique nouvellement requis par la réglementation ». 

Ce point posé, le Conseil d’État écarte les moyens tirés de la limitation des pièces versées de l’enquête. Il écarte ceux portant sur l’inexactitude ou l’insuffisance du dossier, estimant qu’il a été procédé à une « actualisation des documents pertinents du dossier ». Il écarte également les moyens tirés de l’obsolescence de certaines données, estimant que depuis la DUP de 2008, aucune évolution significative n’aurait nécessité de produire de nouvelles études.

Statuant sur le fond, le Conseil d’État balaie la contestation de l’utilité publique du projet et estime qu’aucune des modifications importantes objet de l’enquête publique ne sont pas de nature à remettre en cause l’intérêt s’attachant à ce projet qui va « favoriser le développement économique régional et national, en contribuant à la compétitivité de la région Ile-de-France et de Paris ainsi qu'à la réussite des Jeux Olympiques ». 

Cet arrêt, publié au Lebon, vaut surtout pour les précisions apportées à l’appréciation des éléments à soumettre à l’enquête. Permettant de le limiter à une actualisation des seuls éléments pertinents et à l’ajout des nouveaux éléments requis par la réglementation applicable à la date de la décision. Il apporte alors un surcroit de sécurité juridique à des grands projets complexes dont le portage tend à s’étirer dans le temps ce qui conduit naturellement à réévaluer leur l’intérêt public.