Le rapport 2016 du CGEDD pointe des faiblesses récurrentes dans l’évaluation environnementale

Par Agathe Gentili

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Dans un rapport publié début mars, l’Autorité environnementale dresse le bilan de son activité de 2016 et formule de recommandations pour l’année à venir. Le bilan est globalement positif, mais les auteurs pointent un certain nombre de faiblesses dans l’évaluation environnementale.

L’autorité environnementale appartient au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Elle rend des avis consultatifs à destination du public sur des grands projets notamment d’infrastructures, certains plans, programmes nationaux et études d’impact. De nombreuses réformes ont modifié le rôle de l’autorité environnementale mais également les règles de l’évaluation environnementale en 2016, notamment la loi pour la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 et l’ordonnance et le décret du mois d’août 2016 relatifs à l’autorité environnementale. En outre, la création de 19 missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) par le décret du 28 avril 2016 l’a renforcée en transférant une partie des compétences environnementales des représentants de l’État vers ces autorités locales.

Utilisant sa nouvelle compétence d’évocation acquise au courant de l’année 2016 (C. env., art. R. 122-17 III ) l’autorité environnement a rendu 112 avis et s’est notamment prononcée sur certains dossiers complexes dévolus initialement aux MRAe, et portant principalement sur des plans locaux d’urbanisme. L’Autorité environnementale rappelle que son rôle n’est pas de se prononcer sur l’opportunité d’un projet, mais de s’assurer de la prise en compte adaptée de l’environnement dans les projets, plans et programmes. Elle regrette que parfois la consultation du public soit considérée comme une formalité obligatoire et souvent bâclée par les porteurs de projet et les services de l’État. Les dossiers de consultation soumis au public mériteraient une meilleure cohérence d’ensemble, selon les auteurs du rapport.

Abordant ensuite les thématiques mal traitées dans les projets soumis à évaluation environnementale, l’autorité environnementale s’intéresse tout d’abord aux émissions de gaz à effet de serre affectant la qualité de l’air. Elle relève l’oubli systématique de cet enjeu au sein des projets, même au sein des projets d’infrastructures routières qui, pourtant, devraient considérer l’émission des gaz à effet de serre comme une question centrale. Les auteurs du rapport citent ensuite leur note publiée en 2015 relative aux nuisances sonores liées aux infrastructures de transport. S’ils admettent que la problématique du bruit est mieux traitée que celle de la qualité de l’air, ils formulent un certain nombre de recommandations dont la principale : la nécessité du cumul des nuisances sonores. En effet, un traitement différencié des nuisances terrestres et aériennes nuit à une compréhension globale d’un projet d’infrastructure.

Le rapport qualifie d’« obscures » les évaluations socio-économiques qui accompagnent les évaluations environnementales, notamment concernant les méthodes de calculs utilisées. Un souci de vulgarisation dans des documents pourtant adressés au public améliorerait grandement la compréhension des impacts environnementaux et permettrait d’évaluer plus facilement la pertinence des calculs réalisés. Enfin, concernant la destruction des sols naturels, agricoles et forestiers, les auteurs rappellent qu’il s’agit d’une ressource non renouvelable puisque la reconstitution des sols apparait peu probable. Par conséquent, il est important lors de l’évaluation environnementale d’un projet de prendre en compte ses effets directs et indirects. Les commissions départementales de consommation des espaces agricoles remplissent ce rôle de contrôle des surfaces agricoles lors des élaborations et des révisions des documents d’urbanisme.

En outre, l’autorité environnementale  souligne que la problématique de l’eau est plus ou moins bien prise en compte dans les plans-programmes : les plans locaux d’urbanisme ne traitent que lacunairement voire pas du tout de la performance des systèmes d’assainissement pris dans leur ensemble et de l’état initial des masses d’eau tandis que les schémas d’aménagement et de gestion des eaux sont trop peu précis (!).

L’autorité soulève enfin la thématique des incertitudes et de l’état des connaissances imposé au lancement d’un projet. L’impossibilité pour de nombreux maîtres d’ouvrage de présenter des données fiables et actualisées est mis en avant par les auteurs du rapport. Ils s’inquiètent que face aux résultats des nombreuses incertitudes scientifiques les porteurs de projets en concluent que les impacts seront négligeables. Il est donc de prendre en compte des hypothèses prudentes et conservatrices pour l’évaluation des impacts environnementaux, en particulier pour les technologies dont les effets ne sont pas encore bien cernés, mais également de prêter bien attention à l’état actuel des territoires et non pas à ce qui a été énoncé dans un précédent document d’urbanisme.

À titre de recommandations générales, l’autorité environnementale souligne l’importance d’une vision globale. L’analyse en silo des impacts d’un projet n’est pas appropriée en matière d’environnement, puisque l’interdépendance des différents éléments est la règle dans la nature.

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