Protection du littoral : l'État souhaite limiter les aménagements légers autorisés

Par Timothée Diot

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En application de l'article 45 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », un projet de décret a été élaboré concernant les aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et dans les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Il a été soumis à l'appréciation du public du 24 janvier au 14 février 2019.

L'implantation d'aménagements légers dans les espaces et milieux remarquables ou caractéristiques du littoral est régie par l'article L. 121-24 du Code de l'urbanisme et décliné dans la partie réglementaire du même code par l'article R. 121-5.

L'implantation de ces aménagements n’est permise qu’en cas de nécessité de gérer, de mettre en valeur ou d'ouvrir au public les espaces littoraux. Elle doit aussi respecter le caractère, la qualité paysagère et la préservation des sites. Enfin, les aménagements concernés doivent être présents dans la liste d'aménagements légers autorisés définie par décret en Conseil d'État.

Cette liste est au cœur du débat, car deux jurisprudences ont mis en exergue que la liste édictée n'avait pas un caractère limitatif. En 2013, le Conseil d'État a jugé possible la réalisation d'aménagements légers à la lutte contre l'incendie alors même que cette catégorie n'était pas évoquée dans l'article R. 121-5 (CE, 6 févr. 2013, no 348278, Commune de Gassin). En 2016, le Conseil d'État établit une logique similaire concernant la réfection d'une clôture en statuant que la liste des aménagements de l'article R. 121-5 ne s'opposait pas à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme malgré l'absence de ce type de travaux dans la liste (CE, 4 mai 2016, no 376049, SARL Mericea).

La position du Conseil d'État, enclin au pragmatisme, a abouti à l'autorisation d'aménagements légers non prévus par les textes. Face au risque que ces décisions ne fassent jurisprudence constante et que les possibilités d'aménagements du littoral soient augmentées, en opposition avec l'esprit de la loi Littoral, le Gouvernement a introduit un article dédié à ce sujet dans la loi ELAN.

Il s'agit de l'article 45 qui prévoit dans son premier alinéa de créer une liste limitative des aménagements légers autorisés par décret en Conseil d'État et ajoute dans l'article L. 121-24 la préservation du caractère remarquable du site comme condition pour l'autorisation des travaux concernés. Par ailleurs, la procédure de délivrance des autorisations de ces travaux légers est renforcée. En effet, les autorisations requises ne seront délivrées qu'après avoir reçu l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Un projet du décret prévu par la loi ELAN a été élaboré par les services de l'État, et propose de modifier l'article R. 121-5. Il comprend deux logiques : d'une part, il apporte un caractère limitatif à la liste des aménagements légers autorisés et interdit le changement d'usage et de destination des aménagements. D'autre part, il intègre le pragmatisme du Conseil d'État en élargissant la liste des aménagements autorisés. Sont ainsi autorisés les aménagements légers nécessaires à la lutte contre l'incendie, la réfection d'installation existante nécessaire à l'activité économique ainsi que les équipements légers et démontables nécessaires à la préservation et la restauration des espaces et milieux remarquables.

En application de l'article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, les deux ministères en charge du dossier ont organisé une consultation publique, portant sur le projet de décret, du 24 janvier au 14 février 2019. Plusieurs centaines d'avis ont été publiés sur le site internet de la consultation. Après une lecture rapide de ces avis, on constate la prédominance des avis négatifs motivés par le thème de la chasse. Selon ses défenseurs, la nouvelle rédaction de l'article R. 121-5 empêcherait, dans les zones humides et dans les zones abritant une concentration naturelle d'espèces animales au sens de la loi Littoral, la réalisation et l'entretien des installations nécessaires à la pratique de la chasse comme les affûts ou gabions. En effet, ces espaces sont identifiés comme participants au maintien des équilibres biologiques par la loi Littoral et sont donc concernés par l'application de l'article R. 121-5. Il appartient maintenant au Gouvernement de décider comment seront intégrées les revendications portées par cette forte mobilisation.