La construction d’une installation classée autorisée par arrêté préfectoral et constituant un progrès technique pour la préservation de l’environnement peut-elle faire l’objet d’une mesure de suspension pour condition d’urgence ?

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Le recours pour excès de pouvoir exercé par un tiers contre un arrêté préfectoral autorisant la construction d’une ICPE peut être assorti d’un référé-suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

De manière classique, le bien-fondé de ce référé est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives : (i) l’urgence à suspendre le permis de construire et (ii) l’existence d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de l’autorisation d’urbanisme.

Il est de principe que l’urgence est appréciée par le juge administratif souverainement, concrètement et globalement, au vu d’un bilan d’ensemble mettant en balance la situation du requérant, les intérêts qu’il entend défendre, et les intérêts publics (CE, Sect., 19 janv. 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815 ; CE, 28 févr. 2001, Préfet des Alpes-Maritimes et Société Sud-Est, n°s 229562, 229563 et 229721. Selon la formulation de principe, « l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ».)

En l’espèce, en cas de référé-suspension contre le permis de construire de l’ICPE, le « progrès technique pour la préservation de l’environnement », et donc les conséquences dommageables pour l’environnement que pourrait avoir la suspension de la construction de cette ICPE constituent un intérêt public que le juge administratif mettra en balance avec les intérêts des requérants à obtenir la suspension de l’ICPE, pour caractériser l’urgence.

Il faut toutefois souligner qu’en matière de référé-suspension dirigé contre un permis de construire, la jurisprudence a dégagé une présomption d’urgence (CE, 27 juill. 2001, Commune de Tulle, n° 230231) qui se justifie par le fait que la construction d’un bâtiment autorisé par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible.

En définitive, rien ne s’oppose à ce que le juge administratif considère qu’il y a urgence à suspendre l’exécution d’un permis de construire une ICPE, quand bien même cette ICPE constituerait « un progrès technique pour la préservation de l’environnement ». Au contraire, en la matière, l’urgence est en principe présumée.

 

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