L’intérêt à agir du requérant qui conteste le seul permis modificatif est restreint aux modifications apportées au projet initial

Par Jonathan Alory

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La jurisprudence administrative postérieure à l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, qui a introduit notamment l’article L. 600-1-2 dans le Code de l’urbanisme, poursuit son œuvre consolidatrice de la notion d’intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme puisque, après avoir précisé comment le juge doit apprécier la réalité de l’affectation directe du bien du requérant par le projet en cause (CE, 10 juin 2015, n° 386121) et que le voisin immédiat bénéficie en principe d’une présomption d’intérêt à agir (CE, 13 avr. 2016, n° 389798), le Conseil d’État vient de spécifier l’application de ce régime au requérant qui, sans avoir intenté d’action contre le permis initial, entend le faire vis-à-vis du permis modificatif qui l’a suivi.

En l’espèce, le maire d’une commune avait délivré un permis de construire en date du 2 avril 2008 à un pétitionnaire qui s’est ensuite vu délivrer un permis modificatif le 21 avril 2015.

Deux requérants ont formé un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire modificatif et un autre contre le refus du maire de faire droit à leur demande tendant à ce que soit constatée la caducité du permis de construire initial.

Leurs deux recours ont été rejetés par ordonnances contre lesquelles ils se pourvoient en cassation.

Le recours qu’ils formèrent contre le permis de construire modificatif avait été rejeté comme manifestement irrecevable au motif que ces requérants ne justifiaient pas d’un intérêt à agir contre cette autorisation.

La Haute Juridiction, se fondant sur l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme et reprenant les apports des deux arrêts précités, va alors spécifier l’application du régime de l’intérêt à agir à ce cas de figure en précisant que «  lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ».

Le Conseil d’État va en l’espèce relever que les requérants établissaient être les propriétaires d’une maison située à proximité immédiate de la parcelle du projet, qu’il ressortait du permis de construire modificatif qu’il autorisait « des modifications notables au projet initial affectant son implantation, ses dimensions et l’apparence de la construction » et de diverses photographies que leur propriété dispose d’une vue directe sur la construction projetée.

Il a va par conséquent en déduire qu’ils avaient intérêt à agir contre les modifications permises au projet de construction initial.

Sachant que les modifications apportées au projet initial par un permis modificatif  ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale (CE, 1er oct. 2015, n° 374338), l’examen de l’intérêt à agir du requérant qui attaquerait le permis modificatif pourra, le cas échéant, le mettre sur la voie d’en obtenir l’annulation.

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